L'espacesprit,
nouvelle dimension spatio-temporelle
Considérations à la lumière de la théorie scientifique
nouvelle dimension spatio-temporelle
Considérations à la lumière de la théorie scientifique
On connaît la thèse de Diderot de la sensibilité, propriété générale de la matière, ce matérialisme enchanté qui est bien moins une vérité expérimentale, un précipité de l'empirie, qu'une hypothèse hardie dont l'objectif est d'inspirer l'expérience scientifique.
Or, j'ai à faire ici une hypothèse utile à la manière du matérialisme expérimental diderotien. On verra, d'ailleurs, que les deux intuitions ne sont pas éloignées l'une de l'autre, la nature comme pur dynamisme qui fonde cette sensibilité générale de la matière trouvant une autre expression dans la nouvelle dimension proposée ici.
En effet, nous avons l'intuition que l'espacesprit (que nous avons présenté dans une chronique précédente) est une nouvelle dimension de l'espace-temps, étant un espace intégré où se fondent les esprits, visibles et invisibles, et le temps spiralesque tel que la postmodernité permet de le redécouvrir, un temps loin du linéarisme qu'a inspiré la modernité.
En postmodernité où la spiritualité retrouve toutes ses lettres de noblesse, les dimensions héritées de l'ère moderne ne suffisent plus. L'espace-temps classique est trop rétréci pour donner une vision exhaustive et une appréhension complète de l'environnement dont on fait partie comme dans un système où on agit autant qu'on est agi dans l'écosophie postmoderne.
En plus de la hauteur (ou longueur), de la largeur et de la profondeur qui ne sont adaptées qu'au visible et à l'évaluation de ses figures et de ses solides, même la quatrième dimension qu'est le temps ne saurait rendre compte de la présence parmi nous, en notre propre milieu, des êtres invisibles, tous les invisibles, non seulement ce qu'on appelle, chez les spirites, les désincarnés et que je propose de nommer les Esprits mouvants, ayant quitté l'inertie de l'incarnation pour revenir au mouvement incessant du cosmos.
En cela, l'espacesprit est une nouvelle dimension, non pas cinquième du nombre, mais en tant qu'une dimension d'ensemble englobant les autres. C'est ainsi une sorte de dimension holiste, globale et globalisante. En prendre acte, c'est avoir conscience de ces « objets réels que la nature nous cachera éternellement », comme le soutenait Henri Poincaré dans La Science et l'Hypothèse.
C'est d'ailleurs cette affirmation que le physicien d'Espagnat a choisie pour illustrer sa thèse du "réel voilé", que nous avons évoquée dans notre précédent article, promettant d'y revenir. Et nous y reviendrons un peu plus loin.
Disons dans l'immédiat que, pour bien comprendre notre nouvelle dimension qu'est l'espacesprit, il nous faut avoir forcément une autre notion du temps, de la vie et de la mort, entre autres. Dans cet espace fait d'esprits visibles et invisibles, inertiels et mouvants, la frontière n'existe que dans nos têtes, elle est une sorte d'élusivité, ce mot tiré de l'anglais "elusiveness", qui pointe une capacité encore inexplicable à rendre impossible toute tentative d'objectivisation et qui pourrait être le propre d'une intelligence à l'oeuvre dans les phénomènes qui nous échappent encore.
Notons, à propos de cette élusivité que les chercheurs, au moins en parapsychologie, commencent à s'y intéresser pour tenter d'expliquer scientifiquement les phénomènes paranormaux. Prenant au sérieux ce phénomène, ils l'intègrent désormais dans leurs modèles théoriques et hypothèses expérimentales. Certes, ils n'ignorent pas que, ce faisant, ils se retrouvent confrontés à cette part irréductible de spiritualité toujours rétive à la méthode technico-scientifique d'explication. Toutefois, ils pensent qu'en mettant l'accent sur ce qui caractérise la vraie science, à savoir son ignorance, ils peuvent, en se penchant sur les conditions précises de survenue de ces phénomènes, limiter ladite ignorance et mieux comprendre ces phénomènes, leurs causes et leurs effets pour finir, peut-être, par prouver expérimentalement l'élusivité. Ce faisant, en tout cas, ils assument les limites de la vision scientifique séparant d'une manière stricte et excessive le système observé et le système observant.
Aussi, certaines expérimentations actuelles englobent bien une vision d'ordre spirituel que la théorisation techno-scientifique ne peut ni récuser ni accepter. Car, qu'est-ce que la spiritualité sinon l'ignorance par la science des conditions précises de survenue de phénomènes réels que l'intuition permet pourtant d'entrevoir et de comprendre? Certes, l'intuition n'est pas la science, mais n'est-elle pas à la base de la science? Ne vient-elle pas d'une observation poussée de cette réalité qui échappe à la science? Combien de découvertes scientifiques n'ont-elles pas eu à la base une pure intuition, une illumination spirituelle?
Aujourd'hui, les sciences tiennent finalement compte de la dimension spirituelle. Ainsi, la médecine l'intègre dans ses protocoles; sans parler de la science tout court, toutes ses branches n'hésitant plus à en faire un moyen complémentaire du savoir, supposant l'expérimentation et la preuve pour peu que l'on ne dédaigne pas l'existence de l'inexistant, soit ce qu'on suppose inexistant sans le prouver. Ce qui n'est nullement scientifique.
Car la science ne peut tout expliquer; elle s'attache aux phénomènes, ses modèles d'explication relevant pour tout ce qui reste d'inaccessible du phénoménal, ce qui autorise certains à recourir à une démarche idéaliste pour accéder à ce réel fuyant. Et cela se vérifie même en physique quantique.
Nous savons, en effet, avec la mécanique quantique qu'observer un système sans le perturber était impossible. Le fondateur de cette théorie, Max Planck soutenait même qu'il existe un monde extérieur indépendant de nous, que ce monde ne nous est pas directement accessible et que nous imaginons des modèles qui nous servent de représentation physique de cet inaccessible.
On connaît aussi les relations d'incertitude (ou principe d'indétermination) de Heisenberg qui affirme que l'on ne peut parler du comportement de la particule sans tenir compte du processus d'observation. Ce qui veut dire que les lois naturelles que formule mathématiquement la théorie des quanta ne concernent nullement les particules élémentaires en elles-mêmes mais bien la connaissance que l'on se fait d'elles.
Ainsi arrivons-nous à notre ami d'Espagnat. Que dit le célèbre physicien?
Confronté aux options partageant la science aujourd'hui, l'option réaliste et l'option idéaliste, il opte pour une attitude de raison, une sorte de réalisme ouvert avec ce qu'il appelle le « réel voilé ».
Reconnaissant que la science qui n'a plus l'aura du temps de la Modernité, n'étant plus l'alpha et l'oméga de tout savoir, n'expliquant que ce qu'elle peut connaître et ses connaissances restant réduites par rapport à l'immensité de son ignorance, il estime que le champ de la science reste forcément enserré dans les limites d'une réalité — ou ce qui est supposé comme telle — fondamentalement indépendante de l'esprit et pouvant lui résister, contrecarrant même ses concepts et catégories toujours soumis à l'occurrence de ce que Gaston Bachelard appelle le fait polémique venant ruiner une vérité canonique.
Argumentant donc en faveur d'une sorte de « réalisme ouvert » à l'opposé de l'idéalisme pur et dur, Bernard d'Espagnat propose sa belle métaphore du réel voilé. Schématiquement, cela consiste à dire que la science porte sur une réalité indépendante de l'esprit, une réalité qui parfois reste récalcitrante à l'esprit, le forçant même à rectifier ses catégories.
En scientifique qui se respecte, M. d'Espagnat sait placer la science à sa vraie place en rappelant, pour résumer à l'extrême sa pensée, que si la réalité, toute la réalité, n'est pas explicable, le réalisme ou l'attitude réaliste ne sont pas nécessairement faux sinon on serait amené à considérer les réussites techniques et les prouesses technologiques de l'esprit scientifique comme ne relevant que de l'ordre du miracle; ce qu'ils ne sont pas, bien évidemment.
Cela nous ramène à cette évidence que c'est la pensée, manifestée par l'idée, qui fait l'essence de la réalité ou, pour le moins, une part de cette réalité dont l'esprit humain ne peut douter. Descartes, déjà, ne faisait-il pas de l'acte d'intuition rationnelle le critère de la vérité qui n'est donc que cette évidence de la pensée?
Nous pensons que la primauté de la pensée chez l'homme est une proposition indémontrée et indémontrable, mais qui s'impose à l'esprit par son évidence comme un axiome mathématique. On devrait même en faire une sorte de neuvième axiome à rajouter ceux bien connus d'Euclide, et qui serait : « la pensée est autre chose que la matière ».
Et de cet axiome, nous proposons d'admettre — certes d'une façon indémontrée et indémontrable, étant la condition de possibilité de notre démonstration — le postulat suivant : « la pensée survit à la matière ».
Bien évidemment, on peut refuser notre postulat qui n'est qu'une convention commode, mais on ne peut refuser notre axiome sans tomber dans l'absurde. Aussi, si nous disons que la pensée est pour nous l'esprit et que donc l'esprit n'est pas la matière, on reste dans le cadre de l'axiome et ses implications.
Maintenant, si on va plus loin en affirmant que l'esprit survit à la matière, on peut risquer légitimement la contestation. Toutefois, si on pousse encore plus loin le raisonnement, en soutenant que, du fait de ce qui précède, la pensée est immortelle et qu'ainsi est l'esprit, relève-t-on toujours de l'ordre de l'axiome ou du postulat? N'y a-t-il pas de la cohérence et un véritable accord logique entre ces propositions? Et dans les sciences formelles, le seul critère de la vérité n'est-il donc pas la cohérence? Nous y reviendrons.
Demandons-nous, pour l'instant, s'il s'agit ici d'une évidence rationnelle, celle dont parlent Euclide et Descartes, ou d'une évidence sensible, juste constitutive de ce qu'on appellerait la connaissance vulgaire? Et, ce faisant, ne perdons pas de l'esprit que Descartes lui-même concédait déjà la difficulté à reconnaître sa vérité, qu'il prit soin de loger à une hostellerie dont on ne connaît pas bien l'adresse, selon la boutade de Leibniz!
Car la question déjà entrevue avec d'Espagnat reste entière : a-t-on accès au réel tel qu'il est en soi, si tant qu'il existe, sans intervention de notre part, de notre manière de le percevoir et de l'organiser?
En sciences sociales, on n'ignore plus l'influence des instruments de mesure sur les modélisations théoriques, et on sait que les hypothèses fondatrices ou paradigmes y sont régulièrement revus aux moments des crises régulières qui ne sont qu'un passage d'un paradigme à un autre, confirmant notamment l'obsolescence des anciens instruments de mesure et d'interprétation.
Et dans ce remue-ménage incessant, à la fois conceptuel et épistémologique, que de remaniements théoriques où l'anomique d'hier mue en canonique d'aujourd'hui et où les contradictions, dans le cadre d'une conception dite contradictorielle, se découvrent être des complémentarités! Ainsi en a-t-il été de la lumière par exemple, passant de la théorie corpusculaire comme étant composée de ces particules que sont les photons, au modèle ondulatoire, pour finir en cette synthèse qu'est la mécanique ondulatoire.
Il nous faut donc admettre que ce qui est scientifique porte bien sur une réalité qui est indépendante de l'esprit humain. Et une telle réalité ne se laisse pas informer arbitrairement par la structure de l'esprit humain; elle lui impose d'être toujours prêt de changer ses catégories et ses modèles. Le tout étant soumis non seulement à une théorie qui doit respecter des règles de cohérence interne, mais devant se soumettre à l'expérience et en rendre compte de telle sorte que celle-ci ne contredise pas celles-là ni n'entre en contradiction avec elles.
Est-ce à dire qu'il s'agit de vérification, l'idée vraie, scientifiquement avérée devant être vérifiée? On se rappelle que Poincaré considérait que la science doit parler du réel et correspondre à des sensations effectives; est-ce que la cohérence y pourvoit? On sait aussi que, dans les sciences formelles, le seul critère de la vérité reste la cohérence. Et on sait, pareillement, que la vérification est fondamentale dans les sciences empirico-formelles basées sur la méthode expérimentale.
Nous considérons donc que le point de départ de tout savant demeurant l'observation des faits et que son point d'arrivée étant le contrôle par ces mêmes faits de l'idée suggérée par eux, on ne peut épuiser tous les faits. En effet, par définition et contrairement à l'énoncé scientifique qui est universel, l'expérience testant sa véracité reste forcément de nature particulière. Aussi, aura-t-on toujours la possibilité d'avoir ce fait polémique bachelardien venant contester l'universalité de l'énoncé scientifique!
C'est, au demeurant, ce qui amena Popper à substituer le critère de falsification à celui de vérification. Ce qui revient à dire que seules les vérités scientifiques peuvent être falsifiées, toutes les autres, notamment les vérités métaphysiques, ne pouvant l'être par principe. Ainsi, si « la théorie n'a pas été réfutée, elle n'a pas été et ne pouvait être prouvée »; et pour cela, elle est scientifique.
Pour Popper, le critère de distinction de l'énoncé scientifique d'un énoncé qui ne serait que métaphysique ou idéologique est la possibilité de falsifier l'énoncé scientifique, car la théorie scientifique reste approximative, approchée, mais jamais une vérité absolue.
Cela nous permet, par conséquent, d'avoir une autre vision de la vérité scientifique, nous amenant à nous demander si l'on pourrait dénicher la vérité ailleurs que dans l'universalité des faits. Si celle-ci pouvait se retrouver dans la conscience morale ou les sentiments, par exemple? En un mot, si la culture des sentiments par exemple, une notion importante en sociologie compréhensive, était de nature à fonder ce que j'appellerai une science du coeur?
Commençons par rappeler que la prétention à l'universalité scientifique est justifiée du moment qu'elle aboutit à cette connaissance faisant l'accord des esprits. Il en est ainsi des mathématiques, de la physique où on peut produire des théories démontrables, comme dans le cas des sciences formelles, ou falsifiables, comme c'est le cas dans les sciences expérimentales. Hors cela, n'a-t-on pas affaire qu'à de la croyance, soit une vérité manquant de critères infaillibles, exigeant l'argumentation?
Or, comme il ne peut jamais y avoir de critère infaillible de la vérité et que le sentiment reste la seule chose infaillible en l'humain, malgré ses variations, sa versatilité et ses subjectivités, tout y revenant et tout en partant, ne faut-il pas chercher à cultiver pareil sentiment en vue d'en faire une science?
De cette façon, n'aurait-on quelque légitimité à dire que c'est à la culture des sentiments qu'il nous faut nous adonner, elle seule étant la chose universelle par excellence aux humains, et donc susceptible de revêtir les caractéristiques d'une véritable science?
Car le sentiment, au-delà de l'état affectif, la représentation que l'on se fait en réaction émotive, n'est-il pas cette impression, cette sensibilité, cette sensation de notre durée hors du corps, de notre permanence en tant qu'esprit en dehors de notre corps?
Entre sentiment subjectif, métaphysique et sentiment et objectif, scientifique n'y aurait-il pas cette même différence entre la croyance et la foi dont le neurobiologiste, membre de l'Académie de médecine Jean-Didier Vincent dit ce qui suit : « la croyance est une fatalité du cerveau qui fait qu'on est attaché à des objets ou à des situations qui n'existent pas. La foi est, au contraire, un acte totalement rationnel qui résulte d'une quête d'amour, la seule vérité qui compte». (Interview à la revue La Vie, numéro du 9 août 2012, pp. 42-43). Et d'ajouter : « la foi est une nécessité... le jour où la science sera partout, la croyance n'existera plus, au contraire de la foi. »
En théorie de la vérité objective, tout n'étant, scientifiquement, qu'opinion, le savoir humain demeurant fondamentalement incertain, la vérité reste donc l'accord de ce que l'on énonce avec les faits, que l'on sache ou non en quoi consiste cet accord. Elle suppose d'y croire, lui accorder la crédibilité, d'en avoir une conviction qui soit profonde impliquant, parfaitement comme dans la foi, le coeur et l'esprit d'une façon totale.
C'est que cette théorie scientifique, serait-elle pleinement achevée, on ne pourrait jamais le savoir avec certitude puisqu'il n'y a aucun critère infaillible de la vérité, l'erreur ne pouvant jamais être exclue.
Surtout que la vérité n'existe pas en un tout se possédant, n'étant qu'une «vers-ité» : une orientation, un horizon vers lequel se tourner. Popper parle de «vériproximité» ou de «vérisimilarité» comme étant une similarité et une proximité avec la vérité. Je préfère garder ma notion d'orientation qui suppose l'inexistence de la vérité en tant qu'objet, mais d'espace, une telle limite n'étant qu'apparente, sans cesse repoussée par-devers nos sens, une vue toujours renouvelée, jamais définitive ni définitivement caractérisée. Aussi le scientifique, le véritable chercheur est celui qui ouvre des horizons.
C'est donc d'une distance que nous nous devons nous accommoder avec le réel, la réalité ou la vérité. Ici, on pourrait évoquer utilement ce qu'on appelle la distanciation hypnotique qui manifeste d'une manière éloquente une autre facette de l'évolution de la science.
On sait que l'hypnose est un état naturel, mais un état de conscience modifié. Et la science reconnaît aujourd'hui que l'hypnose est un état d'hypercontrôle permettant à une personne d'avoir des capacités supplémentaires par rapport à l'éveil simple. Ce contrôle peut être volontaire, voulu, ou involontaire, acquis, comme dans le cas d'isolement de tout ce qui nous entoure quand on est plongé dans une activité prenante, comme avec la lecture que quelque chose d'intéressant.
Or, l'hypnose est une pratique ancienne longtemps scientifiquement déconsidérée! Et si elle est l'objet, aujourd'hui, d'un réel intérêt, c'est que la science a évolué, repoussant les limites de son ignorance. Ainsi admet-on désormais, grâce au développement de l'imagerie cérébrale, que le fonctionnement du cerveau est différent sous un processus hypnotique; l'imagerie médicale [IRM fonctionnelle] montrant même une connectivité du cerveau modifiée en état d'hypnose.
Aussi, après avoir été raillée comme irrationnelle, l'hypnose n'est plus n'importe quoi aujourd'hui, surtout pour les médecins hypnothérapeute pour qui elle est une véritable médecine faisant l'objet d'un diplôme universitaire depuis 2001 en France (diplôme d'hypnose médicale à la Pitié-Salpêtrière, relevant de la Faculté de médecine Pierre et marie Curie, Paris-VI, par exemple).
Après ce détour, et revenant à l'intuition de Diderot et son matérialisme enchanté, on peut bien comprendre, maintenant, que la matière puisse s'avérer sensible puisque l'esprit qui est mouvant devient inertiel en s'incarnant; pourtant, nous pensons communément que c'est l'incarnation qui est la vie et qui résume la sensibilité, alors que la désincarnation ou la mort nous semble l'insensibilité absolue.
Nous recommandant de Diderot, entre autres, nous pouvons donc dire que la sensibilité de la matière n'est pas nécessairement ce que l'on pense, qu'elle est probablement bien plus large que ce que l'on croit et que le mouvement n'est pas nécessairement antinomique avec l'inertie, comme l'inertie n'est pas une absence absolue de mouvement.
C'est que le réel nous reste voilé, notre perception ne nous en donnant qu'un aperçu qui est à la mesure du développement de nos sens, de notre sensibilité. Si celle-ci est assez enchantée, elle traduit alors cette impression vive mais inexplicable par la perception et la science actuelle, mais pas fatalement par la science future. Aussi, ne relève-t-elle pas nécessairement de la magie ou du sortilège et encore moins de l'illusion ou de la mystification, juste parce qu'elle est une manifestation inexplicable par nos connaissances scientifiques d'aujourd'hui!
En un mot comme en mille, le Sapcespirit n'est donc qu'un espace comme un autre où la pensée se matérialise en esprit, à la fois de façon visible et invisible, matérielle et immatérielle, dans une interaction à laquelle ne sont sensibles que les plus sensitifs, ceux qui y pensent justement et donc qui réussissent à y entrer en connexion. Pour prendre un exemple banal, tout se passe donc comme avec une communication téléphonique qui ne s'établit qu'en prenant le soin de connaître le numéro à appeler et le composer le numéro, et d'abord de décrocher le combiné et aussi d'avoir le combiné téléphonique. Ceux qui n'y croient pas ne font que nier l'existence de la communication et ce soit faute d'établissement de la communication, soit faute de ligne téléphonique ou toute autre raison contingente.
Or, j'ai à faire ici une hypothèse utile à la manière du matérialisme expérimental diderotien. On verra, d'ailleurs, que les deux intuitions ne sont pas éloignées l'une de l'autre, la nature comme pur dynamisme qui fonde cette sensibilité générale de la matière trouvant une autre expression dans la nouvelle dimension proposée ici.
En effet, nous avons l'intuition que l'espacesprit (que nous avons présenté dans une chronique précédente) est une nouvelle dimension de l'espace-temps, étant un espace intégré où se fondent les esprits, visibles et invisibles, et le temps spiralesque tel que la postmodernité permet de le redécouvrir, un temps loin du linéarisme qu'a inspiré la modernité.
En postmodernité où la spiritualité retrouve toutes ses lettres de noblesse, les dimensions héritées de l'ère moderne ne suffisent plus. L'espace-temps classique est trop rétréci pour donner une vision exhaustive et une appréhension complète de l'environnement dont on fait partie comme dans un système où on agit autant qu'on est agi dans l'écosophie postmoderne.
En plus de la hauteur (ou longueur), de la largeur et de la profondeur qui ne sont adaptées qu'au visible et à l'évaluation de ses figures et de ses solides, même la quatrième dimension qu'est le temps ne saurait rendre compte de la présence parmi nous, en notre propre milieu, des êtres invisibles, tous les invisibles, non seulement ce qu'on appelle, chez les spirites, les désincarnés et que je propose de nommer les Esprits mouvants, ayant quitté l'inertie de l'incarnation pour revenir au mouvement incessant du cosmos.
En cela, l'espacesprit est une nouvelle dimension, non pas cinquième du nombre, mais en tant qu'une dimension d'ensemble englobant les autres. C'est ainsi une sorte de dimension holiste, globale et globalisante. En prendre acte, c'est avoir conscience de ces « objets réels que la nature nous cachera éternellement », comme le soutenait Henri Poincaré dans La Science et l'Hypothèse.
C'est d'ailleurs cette affirmation que le physicien d'Espagnat a choisie pour illustrer sa thèse du "réel voilé", que nous avons évoquée dans notre précédent article, promettant d'y revenir. Et nous y reviendrons un peu plus loin.
Disons dans l'immédiat que, pour bien comprendre notre nouvelle dimension qu'est l'espacesprit, il nous faut avoir forcément une autre notion du temps, de la vie et de la mort, entre autres. Dans cet espace fait d'esprits visibles et invisibles, inertiels et mouvants, la frontière n'existe que dans nos têtes, elle est une sorte d'élusivité, ce mot tiré de l'anglais "elusiveness", qui pointe une capacité encore inexplicable à rendre impossible toute tentative d'objectivisation et qui pourrait être le propre d'une intelligence à l'oeuvre dans les phénomènes qui nous échappent encore.
Notons, à propos de cette élusivité que les chercheurs, au moins en parapsychologie, commencent à s'y intéresser pour tenter d'expliquer scientifiquement les phénomènes paranormaux. Prenant au sérieux ce phénomène, ils l'intègrent désormais dans leurs modèles théoriques et hypothèses expérimentales. Certes, ils n'ignorent pas que, ce faisant, ils se retrouvent confrontés à cette part irréductible de spiritualité toujours rétive à la méthode technico-scientifique d'explication. Toutefois, ils pensent qu'en mettant l'accent sur ce qui caractérise la vraie science, à savoir son ignorance, ils peuvent, en se penchant sur les conditions précises de survenue de ces phénomènes, limiter ladite ignorance et mieux comprendre ces phénomènes, leurs causes et leurs effets pour finir, peut-être, par prouver expérimentalement l'élusivité. Ce faisant, en tout cas, ils assument les limites de la vision scientifique séparant d'une manière stricte et excessive le système observé et le système observant.
Aussi, certaines expérimentations actuelles englobent bien une vision d'ordre spirituel que la théorisation techno-scientifique ne peut ni récuser ni accepter. Car, qu'est-ce que la spiritualité sinon l'ignorance par la science des conditions précises de survenue de phénomènes réels que l'intuition permet pourtant d'entrevoir et de comprendre? Certes, l'intuition n'est pas la science, mais n'est-elle pas à la base de la science? Ne vient-elle pas d'une observation poussée de cette réalité qui échappe à la science? Combien de découvertes scientifiques n'ont-elles pas eu à la base une pure intuition, une illumination spirituelle?
Aujourd'hui, les sciences tiennent finalement compte de la dimension spirituelle. Ainsi, la médecine l'intègre dans ses protocoles; sans parler de la science tout court, toutes ses branches n'hésitant plus à en faire un moyen complémentaire du savoir, supposant l'expérimentation et la preuve pour peu que l'on ne dédaigne pas l'existence de l'inexistant, soit ce qu'on suppose inexistant sans le prouver. Ce qui n'est nullement scientifique.
Car la science ne peut tout expliquer; elle s'attache aux phénomènes, ses modèles d'explication relevant pour tout ce qui reste d'inaccessible du phénoménal, ce qui autorise certains à recourir à une démarche idéaliste pour accéder à ce réel fuyant. Et cela se vérifie même en physique quantique.
Nous savons, en effet, avec la mécanique quantique qu'observer un système sans le perturber était impossible. Le fondateur de cette théorie, Max Planck soutenait même qu'il existe un monde extérieur indépendant de nous, que ce monde ne nous est pas directement accessible et que nous imaginons des modèles qui nous servent de représentation physique de cet inaccessible.
On connaît aussi les relations d'incertitude (ou principe d'indétermination) de Heisenberg qui affirme que l'on ne peut parler du comportement de la particule sans tenir compte du processus d'observation. Ce qui veut dire que les lois naturelles que formule mathématiquement la théorie des quanta ne concernent nullement les particules élémentaires en elles-mêmes mais bien la connaissance que l'on se fait d'elles.
Ainsi arrivons-nous à notre ami d'Espagnat. Que dit le célèbre physicien?
Confronté aux options partageant la science aujourd'hui, l'option réaliste et l'option idéaliste, il opte pour une attitude de raison, une sorte de réalisme ouvert avec ce qu'il appelle le « réel voilé ».
Reconnaissant que la science qui n'a plus l'aura du temps de la Modernité, n'étant plus l'alpha et l'oméga de tout savoir, n'expliquant que ce qu'elle peut connaître et ses connaissances restant réduites par rapport à l'immensité de son ignorance, il estime que le champ de la science reste forcément enserré dans les limites d'une réalité — ou ce qui est supposé comme telle — fondamentalement indépendante de l'esprit et pouvant lui résister, contrecarrant même ses concepts et catégories toujours soumis à l'occurrence de ce que Gaston Bachelard appelle le fait polémique venant ruiner une vérité canonique.
Argumentant donc en faveur d'une sorte de « réalisme ouvert » à l'opposé de l'idéalisme pur et dur, Bernard d'Espagnat propose sa belle métaphore du réel voilé. Schématiquement, cela consiste à dire que la science porte sur une réalité indépendante de l'esprit, une réalité qui parfois reste récalcitrante à l'esprit, le forçant même à rectifier ses catégories.
En scientifique qui se respecte, M. d'Espagnat sait placer la science à sa vraie place en rappelant, pour résumer à l'extrême sa pensée, que si la réalité, toute la réalité, n'est pas explicable, le réalisme ou l'attitude réaliste ne sont pas nécessairement faux sinon on serait amené à considérer les réussites techniques et les prouesses technologiques de l'esprit scientifique comme ne relevant que de l'ordre du miracle; ce qu'ils ne sont pas, bien évidemment.
Cela nous ramène à cette évidence que c'est la pensée, manifestée par l'idée, qui fait l'essence de la réalité ou, pour le moins, une part de cette réalité dont l'esprit humain ne peut douter. Descartes, déjà, ne faisait-il pas de l'acte d'intuition rationnelle le critère de la vérité qui n'est donc que cette évidence de la pensée?
Nous pensons que la primauté de la pensée chez l'homme est une proposition indémontrée et indémontrable, mais qui s'impose à l'esprit par son évidence comme un axiome mathématique. On devrait même en faire une sorte de neuvième axiome à rajouter ceux bien connus d'Euclide, et qui serait : « la pensée est autre chose que la matière ».
Et de cet axiome, nous proposons d'admettre — certes d'une façon indémontrée et indémontrable, étant la condition de possibilité de notre démonstration — le postulat suivant : « la pensée survit à la matière ».
Bien évidemment, on peut refuser notre postulat qui n'est qu'une convention commode, mais on ne peut refuser notre axiome sans tomber dans l'absurde. Aussi, si nous disons que la pensée est pour nous l'esprit et que donc l'esprit n'est pas la matière, on reste dans le cadre de l'axiome et ses implications.
Maintenant, si on va plus loin en affirmant que l'esprit survit à la matière, on peut risquer légitimement la contestation. Toutefois, si on pousse encore plus loin le raisonnement, en soutenant que, du fait de ce qui précède, la pensée est immortelle et qu'ainsi est l'esprit, relève-t-on toujours de l'ordre de l'axiome ou du postulat? N'y a-t-il pas de la cohérence et un véritable accord logique entre ces propositions? Et dans les sciences formelles, le seul critère de la vérité n'est-il donc pas la cohérence? Nous y reviendrons.
Demandons-nous, pour l'instant, s'il s'agit ici d'une évidence rationnelle, celle dont parlent Euclide et Descartes, ou d'une évidence sensible, juste constitutive de ce qu'on appellerait la connaissance vulgaire? Et, ce faisant, ne perdons pas de l'esprit que Descartes lui-même concédait déjà la difficulté à reconnaître sa vérité, qu'il prit soin de loger à une hostellerie dont on ne connaît pas bien l'adresse, selon la boutade de Leibniz!
Car la question déjà entrevue avec d'Espagnat reste entière : a-t-on accès au réel tel qu'il est en soi, si tant qu'il existe, sans intervention de notre part, de notre manière de le percevoir et de l'organiser?
En sciences sociales, on n'ignore plus l'influence des instruments de mesure sur les modélisations théoriques, et on sait que les hypothèses fondatrices ou paradigmes y sont régulièrement revus aux moments des crises régulières qui ne sont qu'un passage d'un paradigme à un autre, confirmant notamment l'obsolescence des anciens instruments de mesure et d'interprétation.
Et dans ce remue-ménage incessant, à la fois conceptuel et épistémologique, que de remaniements théoriques où l'anomique d'hier mue en canonique d'aujourd'hui et où les contradictions, dans le cadre d'une conception dite contradictorielle, se découvrent être des complémentarités! Ainsi en a-t-il été de la lumière par exemple, passant de la théorie corpusculaire comme étant composée de ces particules que sont les photons, au modèle ondulatoire, pour finir en cette synthèse qu'est la mécanique ondulatoire.
Il nous faut donc admettre que ce qui est scientifique porte bien sur une réalité qui est indépendante de l'esprit humain. Et une telle réalité ne se laisse pas informer arbitrairement par la structure de l'esprit humain; elle lui impose d'être toujours prêt de changer ses catégories et ses modèles. Le tout étant soumis non seulement à une théorie qui doit respecter des règles de cohérence interne, mais devant se soumettre à l'expérience et en rendre compte de telle sorte que celle-ci ne contredise pas celles-là ni n'entre en contradiction avec elles.
Est-ce à dire qu'il s'agit de vérification, l'idée vraie, scientifiquement avérée devant être vérifiée? On se rappelle que Poincaré considérait que la science doit parler du réel et correspondre à des sensations effectives; est-ce que la cohérence y pourvoit? On sait aussi que, dans les sciences formelles, le seul critère de la vérité reste la cohérence. Et on sait, pareillement, que la vérification est fondamentale dans les sciences empirico-formelles basées sur la méthode expérimentale.
Nous considérons donc que le point de départ de tout savant demeurant l'observation des faits et que son point d'arrivée étant le contrôle par ces mêmes faits de l'idée suggérée par eux, on ne peut épuiser tous les faits. En effet, par définition et contrairement à l'énoncé scientifique qui est universel, l'expérience testant sa véracité reste forcément de nature particulière. Aussi, aura-t-on toujours la possibilité d'avoir ce fait polémique bachelardien venant contester l'universalité de l'énoncé scientifique!
C'est, au demeurant, ce qui amena Popper à substituer le critère de falsification à celui de vérification. Ce qui revient à dire que seules les vérités scientifiques peuvent être falsifiées, toutes les autres, notamment les vérités métaphysiques, ne pouvant l'être par principe. Ainsi, si « la théorie n'a pas été réfutée, elle n'a pas été et ne pouvait être prouvée »; et pour cela, elle est scientifique.
Pour Popper, le critère de distinction de l'énoncé scientifique d'un énoncé qui ne serait que métaphysique ou idéologique est la possibilité de falsifier l'énoncé scientifique, car la théorie scientifique reste approximative, approchée, mais jamais une vérité absolue.
Cela nous permet, par conséquent, d'avoir une autre vision de la vérité scientifique, nous amenant à nous demander si l'on pourrait dénicher la vérité ailleurs que dans l'universalité des faits. Si celle-ci pouvait se retrouver dans la conscience morale ou les sentiments, par exemple? En un mot, si la culture des sentiments par exemple, une notion importante en sociologie compréhensive, était de nature à fonder ce que j'appellerai une science du coeur?
Commençons par rappeler que la prétention à l'universalité scientifique est justifiée du moment qu'elle aboutit à cette connaissance faisant l'accord des esprits. Il en est ainsi des mathématiques, de la physique où on peut produire des théories démontrables, comme dans le cas des sciences formelles, ou falsifiables, comme c'est le cas dans les sciences expérimentales. Hors cela, n'a-t-on pas affaire qu'à de la croyance, soit une vérité manquant de critères infaillibles, exigeant l'argumentation?
Or, comme il ne peut jamais y avoir de critère infaillible de la vérité et que le sentiment reste la seule chose infaillible en l'humain, malgré ses variations, sa versatilité et ses subjectivités, tout y revenant et tout en partant, ne faut-il pas chercher à cultiver pareil sentiment en vue d'en faire une science?
De cette façon, n'aurait-on quelque légitimité à dire que c'est à la culture des sentiments qu'il nous faut nous adonner, elle seule étant la chose universelle par excellence aux humains, et donc susceptible de revêtir les caractéristiques d'une véritable science?
Car le sentiment, au-delà de l'état affectif, la représentation que l'on se fait en réaction émotive, n'est-il pas cette impression, cette sensibilité, cette sensation de notre durée hors du corps, de notre permanence en tant qu'esprit en dehors de notre corps?
Entre sentiment subjectif, métaphysique et sentiment et objectif, scientifique n'y aurait-il pas cette même différence entre la croyance et la foi dont le neurobiologiste, membre de l'Académie de médecine Jean-Didier Vincent dit ce qui suit : « la croyance est une fatalité du cerveau qui fait qu'on est attaché à des objets ou à des situations qui n'existent pas. La foi est, au contraire, un acte totalement rationnel qui résulte d'une quête d'amour, la seule vérité qui compte». (Interview à la revue La Vie, numéro du 9 août 2012, pp. 42-43). Et d'ajouter : « la foi est une nécessité... le jour où la science sera partout, la croyance n'existera plus, au contraire de la foi. »
En théorie de la vérité objective, tout n'étant, scientifiquement, qu'opinion, le savoir humain demeurant fondamentalement incertain, la vérité reste donc l'accord de ce que l'on énonce avec les faits, que l'on sache ou non en quoi consiste cet accord. Elle suppose d'y croire, lui accorder la crédibilité, d'en avoir une conviction qui soit profonde impliquant, parfaitement comme dans la foi, le coeur et l'esprit d'une façon totale.
C'est que cette théorie scientifique, serait-elle pleinement achevée, on ne pourrait jamais le savoir avec certitude puisqu'il n'y a aucun critère infaillible de la vérité, l'erreur ne pouvant jamais être exclue.
Surtout que la vérité n'existe pas en un tout se possédant, n'étant qu'une «vers-ité» : une orientation, un horizon vers lequel se tourner. Popper parle de «vériproximité» ou de «vérisimilarité» comme étant une similarité et une proximité avec la vérité. Je préfère garder ma notion d'orientation qui suppose l'inexistence de la vérité en tant qu'objet, mais d'espace, une telle limite n'étant qu'apparente, sans cesse repoussée par-devers nos sens, une vue toujours renouvelée, jamais définitive ni définitivement caractérisée. Aussi le scientifique, le véritable chercheur est celui qui ouvre des horizons.
C'est donc d'une distance que nous nous devons nous accommoder avec le réel, la réalité ou la vérité. Ici, on pourrait évoquer utilement ce qu'on appelle la distanciation hypnotique qui manifeste d'une manière éloquente une autre facette de l'évolution de la science.
On sait que l'hypnose est un état naturel, mais un état de conscience modifié. Et la science reconnaît aujourd'hui que l'hypnose est un état d'hypercontrôle permettant à une personne d'avoir des capacités supplémentaires par rapport à l'éveil simple. Ce contrôle peut être volontaire, voulu, ou involontaire, acquis, comme dans le cas d'isolement de tout ce qui nous entoure quand on est plongé dans une activité prenante, comme avec la lecture que quelque chose d'intéressant.
Or, l'hypnose est une pratique ancienne longtemps scientifiquement déconsidérée! Et si elle est l'objet, aujourd'hui, d'un réel intérêt, c'est que la science a évolué, repoussant les limites de son ignorance. Ainsi admet-on désormais, grâce au développement de l'imagerie cérébrale, que le fonctionnement du cerveau est différent sous un processus hypnotique; l'imagerie médicale [IRM fonctionnelle] montrant même une connectivité du cerveau modifiée en état d'hypnose.
Aussi, après avoir été raillée comme irrationnelle, l'hypnose n'est plus n'importe quoi aujourd'hui, surtout pour les médecins hypnothérapeute pour qui elle est une véritable médecine faisant l'objet d'un diplôme universitaire depuis 2001 en France (diplôme d'hypnose médicale à la Pitié-Salpêtrière, relevant de la Faculté de médecine Pierre et marie Curie, Paris-VI, par exemple).
Après ce détour, et revenant à l'intuition de Diderot et son matérialisme enchanté, on peut bien comprendre, maintenant, que la matière puisse s'avérer sensible puisque l'esprit qui est mouvant devient inertiel en s'incarnant; pourtant, nous pensons communément que c'est l'incarnation qui est la vie et qui résume la sensibilité, alors que la désincarnation ou la mort nous semble l'insensibilité absolue.
Nous recommandant de Diderot, entre autres, nous pouvons donc dire que la sensibilité de la matière n'est pas nécessairement ce que l'on pense, qu'elle est probablement bien plus large que ce que l'on croit et que le mouvement n'est pas nécessairement antinomique avec l'inertie, comme l'inertie n'est pas une absence absolue de mouvement.
C'est que le réel nous reste voilé, notre perception ne nous en donnant qu'un aperçu qui est à la mesure du développement de nos sens, de notre sensibilité. Si celle-ci est assez enchantée, elle traduit alors cette impression vive mais inexplicable par la perception et la science actuelle, mais pas fatalement par la science future. Aussi, ne relève-t-elle pas nécessairement de la magie ou du sortilège et encore moins de l'illusion ou de la mystification, juste parce qu'elle est une manifestation inexplicable par nos connaissances scientifiques d'aujourd'hui!
En un mot comme en mille, le Sapcespirit n'est donc qu'un espace comme un autre où la pensée se matérialise en esprit, à la fois de façon visible et invisible, matérielle et immatérielle, dans une interaction à laquelle ne sont sensibles que les plus sensitifs, ceux qui y pensent justement et donc qui réussissent à y entrer en connexion. Pour prendre un exemple banal, tout se passe donc comme avec une communication téléphonique qui ne s'établit qu'en prenant le soin de connaître le numéro à appeler et le composer le numéro, et d'abord de décrocher le combiné et aussi d'avoir le combiné téléphonique. Ceux qui n'y croient pas ne font que nier l'existence de la communication et ce soit faute d'établissement de la communication, soit faute de ligne téléphonique ou toute autre raison contingente.